La dureté des tapis de sol oblige à se lever assez tôt. Il fait très beau et la campagne vallonnée, encore humide de la rosée du matin, parait plus verte qu’ailleurs. Sans doute du fait des talus de pierre grises et bleues.
Fred sifflotte une chanson de Gun’s n’ Roses : “Take me down to the paradise city, where the grass is green and the girls are pretty…”.

On se retrouve bientôt tous à la cuisine. Le petit déjeuner est dévoré et les sandwichs de midi sont emballés dans le bidon étanche.

Nous retrouvons Gart à Belcoo, et partons pour la campagne de Black Lion. La route, ou plutôt le chemin est très étroit et les croisements de voiture et autres tracteurs sont périlleux…

Nous nous arretons au bord de la route et nous nous changeons, puis direction le champs voisin ou se trouve le trou à explorer, au fond d’une petite doline.

Pour la petite histoire, 3 mètres plus haut se trouve un trou désobstrué pendant 20 ans, jusqu’à ce qu’un jour celui d’à côté soit découvert par un chien. C’est ce trou que nous allons descendre.

Fred commence l’équipement, sous les encouragements de Gart : ” Good man ” et les moqueries de Yann et Brewal. Il faut dire que notre corde de 9mm ne semble pas rassurer Gart qui fixe attentivement chacun des noeuds (En Irlande, seule la corde de 10.5mm est utilisée et leur parler de 8mm est un blasphème).

Fred se glisse par une première étroiture verticale dans le puits d’entrée et atterri au fond d’une diaclase étroite et très en pente. Il hurle ” Rope free ! “, Gart le rejoint rapidement, et lui indique le passage suivant, un méandre atroce, permettant de rejoindre les amarrages suivants (tout est en fixe).

Le reste de l’équipe arrive. Meme Gaëlle suit assez bien, malgré son inexpérience. Fred continue l’équipement sous les ” good man ” de Gart. Ca frotte un peu partout, mais bon, on ne vas pas non plus leur dire que leur équipement n’est pas fait pour de la corde de 9mm…

Un second méandre, une étroiture verticale donnant dans un grand puits de 20 mètres environ, Fred loupe la déviation et s’engage vers la fameuse étroiture verticale que Gart nous a mentionné ce matin. Apparemment, si l’on ne se place pas correctement, on reste coincés ! Bon, c’est équipé rapidement, le descendeur est en bout de longe, nous passons un bras en l’air et l’autre le long de la jambe, nous rentrons le ventre et expirons un bon coup, ça passe ! Le grondement de la rivière est plus audible à présent.

Au bout de deux mètres, Fred reste bloqué sur le noeud de bout de corde. Merde ! Il appelle Gart qui penche la tete au dessous du trou et ré-équipe une corde au dernier amarrage.

Nous nous retrouvons tous en bas après que Gaëlle ait psychoté un peu avec ses longes (cow tails en anglais) et sortons la nourriture du bidon étanche. Gart hallucine complètement. Ca ne se fait pas en Irlande apparemment. Il ne transporte qu’un peu d’eau dans une grosse poche dosale, mais accepte malgré tout un sandwich et une banane.

L’exploration de la rivière souterraine de Prod’s Pot est assez rapide. Nous faisons 300 mètres en descendant la rivière quand nous butons sur un siphon, mais réussissons quand meme à remplir nos bottes.

La rivière est assez jolie et sinueuse. Pas mal de concrétions en ornent les murs, draperies, méduses, etc…

Demi tour jusqu’au puits pour aller voir une ” grande salle ” avec petit ramping dans l’eau. En fait, c’est un puits bouché en surface. Meme Gart convient que ce n’est pas terrible.

Le retour sera un véritable chemin de croix pour Gaëlle. Elle est crevée et malgré son tout petit gabarit elle peine beaucoup dans les étroitures nécessitant d’adhérer aux parois. Elle en oublie meme comment se décroller. Nos explications n’y suffisent pas et poussé par Brewal, Fred monte à sa rescousse. Son premier secours, réussi !:

Il nous faut la soulever, la pousser vers le haut dans le dernier méandre, mais tout le monde sort ravi et enchanté de cette première exploration irlandaise.

Gart nous propose de passer boire le thé chez Less. Nous ne refusons pas et remontons en voiture pour une partie de tourne-en-rond dans la campagne, entre les moutons et les talus de pierre qu’il vaut mieux éviter si l’on veut conserver notre caution de location…

Less est anglais, en arret maladie, il vit dans la campagne de Black Lion dans une maison isolée au milieu des moutons, des ajoncs et de la bruyère. Au vu de la déco, nous nous rendons compte que c’est aussi un spéléo. Partout trônent des affiches de grottes, des lampes, un chargeur de lampe Oldham, des cristaux de toute sorte.

Il nous offre un thé bien chaud et nous discutons de spéléo et notamment des grottes françaises. Leur Mecque ! Nous entendons parler de gouffre Berger, de la dent de crolles, etc…

Rendez-vous est pris pour le soir meme au restaurant de Belcoo ou nous verrons d’autre spéléos locaux. On n’a pas fini de faire semblant de comprendre leur accent 😉

En chemin, nous comprenons que malgré les tensions existant entre anglais et irlandais, la passion de la spéléo permet de rapprocher les gens d’origine et de conviction différente.

Une douche rapide et nous retrouvons la tablée de spéléos au Custom House, le resto un peu chic de Belcoo. Nous avalons un repas qui se fait attendre un peu et retrouvons tout le monde au pub de Black Lion, chez MacKenny.

Un vrai pub irlandais, la fumée en moins. La discussion va bon train. Gart raconte notre exploration du jour et notamment le pique nique souterrain, qui apparemment l’a beaucoup surpris. Un autre spéléo qui a fait le gouffre Berger (il en porte le t-shirt, peut-etre en notre honneur ?) lui explique que lors d’un exercice secours en France il avait assisté à la meme scène, avec force paté et salami… Manquait plus que le vin rouge.

On se tape une crue de Guinness et de Beamish, la discussion tourne à présent autour des accords de Shengen et du passeport de Fred… Brian, qui commence à tanguer sévèrement déclare que tout ça c’est à cause d’un petit groupe d’allumés qui font sauter des bombes en Irlande du Nord. Gart n’est pas d’accord du tout et conteste son avis. Non dit-il, ce n’est pas un petit groupe, ils sont nombreux et soutenus par la population ! L’atmosphère est tendue, et l’amateur du gouffre Berger ajoute : ” bon, on arrete d’en parler, je n’en parle jamais quand je suis dans le Nord ! “. Nous comprenons que le sujet est ultra sensible ici, mais nous comprenons aussi que nos hôtes ont des avis divergents sur le sujet.

De fait, ils décident que la beuverie a assez duré et se lèvent, nous saluent, non sans nous donner rendez-vous pour le lendemain. Cascades caves nous attend !

Le retour se fera à vitesse réduite jusqu’au community center. Yann décide de dormir dans la voiture (trop dur le sol dans notre piaule apparemment). Et nous nous endormons rapidement.

Vers 4 heures du matin, Gaëlle et Brewal sont réveillés en sursaut par un cri digne du film Délivrance… De son côté, Fred dors comme un bébé ours.
Ils se lèvent en sursaut et courent voir Yann qui dort dans l’auto. Péniblement, il leur ouvre la portière et leur explique qu’il a vu 2 ombres se sauver dans la nuit après avoir crié quelque chose d’incompréhensible sous nos fenetres… Bon, plus de peur que de mal… Tout le monde se re-couche et finit sa nuit.