Après la découverte d’hier a Bhan PhaNong, nous sommes très enthousiastes et encore plus à l’écoute des récits de l’équipe montée en moto à Bhan Bouak. Le travail en chambre de Brewal, sur carte topo du secteur, commence à payer. On peut enfin sortir le carnet de topo.
Ne disposant que de deux motos, nous nous répartissons les objectifs, et repartons ce matin à l’assaut des pistes de montagne pour le village Hmong de Bhan Bouak en compagnie de Brewal, Cat et Régis.
Contrairement aux Laos, les Hmongs ne souhaitent pas que nous les payions, pour les services qu’ils vont nous rendre. En effet, quand il n’y a rien à acheter, que faire avec de l’argent. En contrepartie, ils nous demandent de leur ramener de l’essence pour leurs motos, ainsi que des cahiers et des stylos pour les enfants. Nous ajouterons une cartouche de cigarettes à 5 euros, que Yang Sualor se chargera de répartir parmis les 45 familles du village.
Après un stop au marché et avoir fait le plein des motos, nous attaquons la montée au village. Celui ci se situe à 1040 mètres d’altitude, et nous quittons la route carrossable à 430 mètres d’altitude… Chargés comme nous le sommes, et à deux sur chaque moto, je me dis que ceci est une entreprise quelque peu folle, mais tant pis. J’enclenche la première. Régis est déjà loin devant.
Ca monte, ça monte… Ca n’en finit plus de monter. Je suis obligé de rétrograder en première afin de conserver le peu de vitesse qui nous fait sortir des ornières parsemant la route. Le sac que j’ai entre les jambes m’empêche de jouer des pédales correctement.
Les paysages que nous découvrons me font oublier les tracas de la route. Un premier col franchi à 1150 mètres nous premet de basculer vers le village. Et là… Ca descend ! Derrière moi Cat s’accroche au siège. Les freins étant aléatoires, je rétrograde encore et encore. Il faut viser juste si l’on ne veut pas atterrir dans un trou qui bloquerait la roue. les suspensions talonnent sans cesse. Le frein à pied, raccourci depuis qu’il a été re-soudé est inutilisable. je fais confiance aux semelles de mes chaussures de montagne.
Enfin, c’est avec soulagement que nous atteignons le village a terme de 1h30 de “moto cross”.
Celui-ci est implanté sur un poljé. Les Hmongs s’y sont installés il y a 4 ans, après que le gouvernement ait chassé les rebelles qui vivaient dans ces montagnes (des Hmongs rétifs au gouvernement Lao). Les familles qui le composent ont été relocalisées ici de Luang Prabang. Drôle de vie que celle de ces montagnards. Autrefois partisans des Français, puis des Américains lors de conflits d’Indochine, ils sont à présent voués à être déplacés au rythme des décisions du gouvernement Lao. En tout cas, toujours très loin des villes.
Notre arrivée ne passe pas inaperçue et nous voilà entourés d’enfants curieux et craintifs qui s’égayent à chaque mouvement que nous faisons vers eux.
Les animaux d’élevage (cochons noirs, poules, chèvres, chiens) sont en liberté dans le village et divaguent à volonté. Des ribambelles de petits suivent leurs mères. Des petis cochons noirs poussent des cris aigus alors que Régis tente de les attrapper.
Les chiens grognent à notre passage, et des poules picorent le dos des truies allaitant leurs petits.
Yang Sualor nous invite à entrer dans sa maison, qu’il partage avec sa femme et sa mère, depuis le décès de son père. Il est très content de parler anglais et regrette de ne plus pouvoir étudier pour devenir guide touristique, par manque de moyens.
La maison de bambous renferme toutes les richesses de sa famille : des stocks de riz, de maïs, de courges, etc… et de quoi cuisiner, se laver, dormir.
Après avoir donné nos courses, nous partons directement pour l’exploration des grottes du secteur.
Yang nous emmène avec lui vers la falaise qui fait face au village. On y aperçoit un petit porche perché, dont la hauteur est difficile à estimer. La progression est ardue sur ces pentes couvertes de ronces, herbes de 2 mètres de haut et autres branchages et lianes.
Au pied de la falaise, nous nous rendons compte que des cours d’escalade n’auraient pas été superflus. Yang grimpe en tongs, sur ce que j’estime à du 5C (pour les grimpeurs) et j’essaye de le suivre. je pose une sangle d’assurance à mi-hauteur et redescends. Cat se lance à son tour et finit l’ascension des 20 mètres d’escalade. Elle fixe la corde dans le porche, et je les rejoins alors en toute sécurité.
Une fois là-haut, je me rends compte qu’un des gamins du village s’y trouve aussi. Du haut de ses 8 ans et sans chaussure, il est arrivé là-haut avant moi. Ca me laisse perplexe…
On attaque la topo de la grotte immédiatement.
Après le porche, une galerie en diaclase s’enfonce dans la falaise. Une étroiture formée de coulées stalagmitiques donne accès à une salle de belle envergure, conctétionnée de partout. Des draperies tombent du plafond en cascades pétrifiées, et des banquettes d’argile bordent le cours principal de la galeries, comme si celles ci attendaient que des visiteurs viennent s’y reposer.
Un virage à droite permet d’accéder à la suite, tout aussi concrétionnée. Le plafond crevé permet d’apercevoir un niveau supérieur plus ancien, que j’essaye d’escalader. Yuang se propose d’y grimper. Sa technique d’escalade me laisse pantois. Il coince une jambe entre deux pierres, puis se hisse à la force des cuisses jusqu’à un bec rocheux qu’il aggrippe d’une main, se rétablit, et le voilà en haut !
En fait, la grotte s’arrête là. Dommage, mais c’est déjà pas mal, d’autant qu’il faut penser à re-descendre.
Comme il est hors de question de désescalader la falaise, je plante un spit juste en dessous du porche, et lance la corde afin de descendre plein pôt. Tout le monde emprunte cette voie, même notre guide, qui demande à ce que nous le prenions en photo, arnaché comme un vrai spéléo. Cette manoeuvre nous coûtera un mousqueton et une plaquette, mais tant pis.
Une fois en bas, il nous amène cette fois à une autre grotte, plus petite, située juste en contrebas du porche. Encore une fois fossile (i.e. non active, sans eau), cette grotte est couverte d’inscriptions Hmongs au charbon de bois. Nous la topographions rapidement et essayons de trouver un nom à ces deux cavités. Comme notre guide ne leur en connaît pas, nous décidons de les appeler Tham Tii (grotte d’en bas) et Tham Ian Solo pour la supérieure.
Retour au village sur les coups de 17h30, avant que la nuit ne tombe. Nous ne tarderons pas à y retrouver Brewal et Régis qui reviennent d’un village à 20km de là.
Nous passerons la nuit suir place.
Un repas composé de riz gluant (au moins 5 kilos pour 5 personnes), de soupe de fanes de on-ne-sait-quoi, et de piments/gingembre nous attend dans la maison de notre hôte.
Lui seul nous accompagne à table (nous sommes assis sur des tabourets de 10cm, autour d’une table tressée en bambous) et la discussion va bon train sur les grottes, sur les habitudes hmongs, sur leur histoire et leurs habitudes culinaires.
Les piments piquent forts ! L’eau que nous buvons pour couper le feu des épices provient du ruisseau proche et a été bouillie dans une casserole. Tout le monde serre les fesses prémonitoirement.
Sur les coups de 20h, extinction des feux. je m’endors en écoutant la famille Hmong qui nous accueille, converser encore un peu.
Le réveil se fera à 6h, au chant des coqs du village. Un vrai concerto de voix cassées.