Nous avons entendu parler d’une petite grotte que l’on ne connait pas proche du village de Bam Nam Fuang et il faut absolument retourner à Tham Pha ka pour explorer la dernière idée, cet effondrement gigantesque, qui pourrait permettre de continuer par une partie fossile, ou vers un gouffre d’effondrement… Bref, sur le trajet moto je cale deux fois dans les montées en 1ere, la moto recule malgré le frein, et je me la prends sur les pattes, je continue la collection de bleus, et ça a tendance à faire perdre mes nerfs et la confiance que j’ai en cet engin. Arrivés au village, les négociations sont pénibles. Mee veut nous faire payer et accompagner d’un militaire pour aller à la petite grotte à 2 pas, Tham Phatok. Je tente de discuter mais y a rien à faire, je ne parviens qu’à m’énerver, et les villageois sont de plus en plus amassés autour de nous. Vont t-ils égorger la poule aux œufs d’or ? Sauf que nous n’avons plus un rond et que c’est le binôme photographe qui nous rejoint le lendemain qui nous avancera, donc no way. Nous n’avons pas assez échangé de devise, et maintenant au milieu de nulle part c’est juste devenu impossible. Il faut dire que les participations aux pirogues et les réparations de moto sont par exemple des frais nettement au-dessus de la moyenne de cout prévisible au Laos. Bref, la négociation, elle n’est pas possible, le maire à dit qu’on devait pas y dormir, et qu’il faut payer pour prendre un militaire avec nous. On commence à nous évoquer des histoires que les Hmong et de fusillades qui ont eu lieu récemment sur la route nationale 13… Accessoirement Mee nous amène à la rencontre du maire. Bref c’est définitif on n’a que le choix d’accepter leurs conditions ou se résoudre à ne pas y aller. Et comme on a pas du tout le temps de faire les difficiles, on y va. Pour couronner le tout ma moto décide de ne plus décoller, et les gamins amassés autour de nous commencent à se marrer comme des bossus. Normal, ils savent tous conduire ce truc et le rafistoler depuis qu’ils ont 5 ans, c’est sur… Bref galère, mais pas tant que ça j’ai juste plus d’essence. Mais le starter ne fonctionne plus et elle cale de plus en plus. Elle non plus n’a pas aimé les chutes de ce matin. Tham Phatok ; petite grotte topographiée en peu de temps, il n y a qu’une 100ene de mètres, mais c’est toujours ça de pris. Elle a été squattée par les moines, il y a pas mal d’inscriptions et de dessins sur les murs, notamment des éléphants et des statues de bouddha et vieille poteries d’urnes. Un sommier en bois aussi. Cet endroit est hyper confort et mignon, avec plusieurs petites salles arrondies, on regrette de ne pas pouvoir y dormir cette nuit.
Bref ça c’était hier.
Le lendemain nos amis photographes arrivent, les négociations pour la session pirogue change encore, plus cher, et les conditions changent. Ils avaient accepté la veille à ce qu’on y dorme cette fois pour gagner du temps sur place, ça y est ce n’est plus possible. Cette fois nous sommes tous sur la même pirogue, alors que la fois précédente il y en avait deux. On navigue plus lentement et plus aléatoirement, on racle le sol, on est plus lourd, l’embarcation est manipulée plus difficilement, elle manque à plusieurs reprises de chavirer. On nous demandera de sortir marcher sur le bord de la jungle, et dans la flotte au moment où le courant est le plus pénible à passer. A un autre moment, ils nous laissent sur la berge, sans explication et reviennent plus tard nous chercher. Puis ils font demi-tour pour récupérer des poissons morts qui flottent sur un côté (on apprend rassuré qu’ils ont été péché avec de l’explosif). Bref cette fois la remontée dur plus 3h que 2h. Le temps s’écoule. De nouveau il ne nous reste plus que 3h sur place. La pression monte. Pas grave, on trace vers l’éboulement menant au vide que j’avais repéré l’avant veille. On commence à progresser dans le chaos puis dans une pente argileuse. Je passe devant tête baissée. Je progresse trop vite en faisant de vague prise grattées dans l’argile avec mes ongles. Trop de précipitation. La pente augmente, il n’y a plus de prise et j’arrive devant un mur d argile à 90°… pas de prises solides… je commence à penser à désescalader. Mais c’est plus compliqué que d’escalader. Je ne trouve plus les prises que je ne vois pas, je fatigue, mes muscles tétanisent et je glisse….. et j’accélère dans la glissade à plat ventre sans savoir si ça va s’arrêter, le stress, perte de contrôle. Mon binôme m’arrête dans ma glissade de bide. Il prend le relais et pose 3 spits. On part sur un équipement avec corde. En attendant je topographie la progression. La suite sera pour demain. Obligé à cause du trajet de retour en pirogue avant le coucher du soleil. Je me ressaisis lentement. Le lendemain départ à 7h sans petit dej pour gagner du temps.
Le lendemain, le trajet en pirogue dure encore 3h. On est sur les dents et sur les nerfs. On a au moins pu décoller tôt, comme prévu pour une fois. Petit déj au « camps de pelleteuses ». Cette fois il nous reste 6h d’explo sur place. On ne mangera pas à midi pour gagner du temps. Le binôme photo reste près de l’entrée. Après avoir fait quelques tests infructueux dans la rivière avec les bateaux gonflables à contrecourant, avec pourtant de bonnes rames. Nous retournons dans l’éboulis pour continuer la progression de la veille
Cette fois mon binôme commence, il a pour idée de finir tout droit par le dernier mur qui a l’air de surplomber le bord de la salle du haut. Il pose 2 ou 3 spits de plus dans sa progression. Je me sens inutile, je propose de prendre la relève. Ça tombe parfaitement il commençait à fatiguer. Je dois donc passer au-delà du dernier spit pour tenter d’en planter un suivant. Malheureusement le mur en question qui paraissait calcitée, n’est qu’un mur d’argile avec une fine couche par-dessus, je tente un spit dans ce qui me semble être plus un rocher, mais ça ne prend pas. J’imagine le drame si cela avait tenu mais que le bloc n’est pas assez gros pour tenir « planté » dans cette argile. Equiper une voie non pratiqué auparavant. Je me demande mille fois ce qui va tenir ou pas avant d’agir. La progression est lente. Donc cette voie est sans issue. Je fais demi-tour et tente une vire par le côté gauche, comme j’avais imaginé plus tôt. La pente me semble moins forte par là. Mais aucune certitude étant donné la faible portée de nos lampes. Je creuse de grosses marches dans l’argile avec le marteau au fur et à mesure de la progression, comme on fait depuis que je m’étais fait une glissade la veille. J’arrive enfin vers un gros bloc calcaire. Je me cale en face sur ma marche d’argile. Je m’assure sur un mini bout de calcite qui m’a l’air une assurance psychologique plutôt qu’autre chose. Mais le dernier point fixe étant loin, je suis anxieuse. Ce spit là va tenir. Il doit. Et il tient. Heureusement, la marche d’argile commençait à s’affaisser au fur et à mesure que je tapais. Prochaine étape, pas plus simple, je dois escalader un petit obstacle en dévers. Là je prends bien plus de temps que j’aurais fait naturellement en salle. Mais je n’ai pas envie d’expérimenter la chute au-dessus du dernier ancrage. Une fois arrivée au-dessus, ouf ! une nouvelle barre calcaire imposante. Je pose un nouveau bon spit rassurant. J’ai un peu perdu ma caisse, je passe le relais à mon binôme. 2 spits plus loin, nous voilà enfin dans la salle, que nous nommons « Salle du coquillage » pour des raisons obscures. On est en transe d’y être parvenu. J’essaye de continuer à topographier en même temps que je progresse, malgré l’empressement de visiter tout le haut, et le peu de temps qu’il nous reste. Je regrette de nouveau de ne pas avoir plus d’éclairage. La salle est immense et ma faible visibilité me donne le vertige. Je vois qu’en bas des spots lumineux arrivent. Je me demande si nos barreurs laotiens vont vraiment prendre la corde à mains nues. La réponse est oui. 10min plus tard les voilà, nus pieds et tout content de nous rejoindre. Ils sortent leur smartphone pour prendre des photos des alentours. Ils avouent n’avoir jamais mis leur pied ici. Tu m’étonnes, sans corde c’était un casse-pipe. C’est donc une réelle première, nous sommes les premiers à mettre les pieds ici. Cette idée nous exalte. C’est un concept idiot de se dire qu’on a planté notre drapeau en premier, mais c’est grandiose. On tombe sur un début de galerie fossile qui devient moins chaotique que la dite salle du coquillage. Ici on trouve un squelette de serpent gigantesque de 3m de long au moins. Cela fait froid dans le dos. A chaque pas proche d’une faille, je me demande s’il n’en sortirait pas un similaire. D’ailleurs nos laotiens pieds nus font demi-tour peu de temps après. C’est l’heure de rentrer, mais on s’octroie la liberté de rester un peu plus et de continuer la galerie qui s’appelle maintenant galerie du serpent. Les concrétions sont impressionnantes, blanches éclatantes, au plafond pendent un massif remplit d’excentriques, plus loin des drapées ; le sol est saupoudré de cristaux ressemblant à des gros grains de sucre qu’on est forcé d’écraser sur notre passage. Premières traces de dégradations. Tout était intacte, personne n’était jamais passé ici. Joie d’être parvenue à notre graal, frustration de ne pouvoir y rester que moins d’une heure