Nous sommes partis de Kasi avec Clément en direction de Ban Poudlak pour explorer les pertes centrales du système de la Na Fuang sans grande motivation. Nous savons que la piste qui y mène est difficile et infranchissable à moto. En plus de cela, des heures de marche nous attendent.
Autant avouer que l’on n’est que moyennement emballés part cette perspective.
Une pause Pepsi à Ban Poudlak nous permet de découvrir à quoi servent ces tas de sable blanc qui trônent devant les maisons du village.
Deux femmes sont en train de le laver avec des battées à la recherche de paillettes d’or. Le sable emporté par les crues dans les rivières en contiendrait. Rien de probant apparemment si ce n’est que la magnétite qu’il contient est conservée pour un tri ultérieur, sans doute au mercure.
Ceci étant, nous sortons de notre sac le papier que notre charmante cafetière, Nalee, nous a préparé ce matin. Apprenant notre destination, et connaissant notre passion pour les grottes, elle a rédigé une note demandant de bien vouloir nous conduire à LA grotte du secteur.
Le type de l’échoppe à Pespi comprend immédiatement et dessine au dos le chemin que nous devons suivre pour y aller. A l’écouter c’est très grand. Mais nous savons que dès qu’il s’agit de taille, les notions sont variables. Pour faire bref, et comme en tout, on a toujours la plus grande:)
Qu’importe, nous enfourchons nos motocyclettes ravis d’abandonner notre destination initiale.
Le massif du Pah Laï est tout en longueur et s’élève dans une vallée très plate. Des champs, des vallons et des rizières l’encadrent, mais point de rivière en vue pour le moment.
Une heure de route plus tard, nous joignons Ban Patho. Il s’agit d’un village un peu bizarre. Les gens semblent pauvres mais vivent dans des maisons en brique. Ils font des feux de bois dans leurs jardins et s’y regroupent en famille ou entre voisins. Evidemment des vaches et des buflles divaguent. Un jeune cochon se sauve devant mes roues. Je me demande combien je pourrais l’acheter pour le faire rôtir à la broche à la guest house.
On sort notre pancarte à une buvette et les gens nous font des grands gestes : Par là ! Par là ! Ok, nous empruntons un sentier qui serpente entre les roseaux, puis passons un pont au dessus d’une résurgence où des enfants pêchent et chassent avec des harpons à élastique et des masques de plongée style 50’s.
Un dernier virage et nous découvrons le porche encombré de blocs de Tham Patho. En s’en approchant, je ressens le vent frais, signe d’un volume important puisque cet air a été refroidi lors de son passage souterrain.
Nous entamons la topographie immédiatement, toujours content de rapporter des découvertes sans trop se mettre la rate au court bouillon dans les montagnes.
Ca va loin ! Ca n’en finit pas… Nous enchaînons les visées au lasermètre. J’ai du mal à suivre Clément tout en dessinant la cavité et notant les points topo.
Puis, j’aperçois au loin de la lumière. Nous atteignons le porche amont, celui de la perte. Il est également encombré de blocs de la taille d’une voiture dans lesquels sont imbriqués des troncs d’arbre. On devine aisément que le courant, à la saison des pluie, emporte ces troncs, qui viennent ensuite s’échouer en vrac dans les blocs.
Pour information, les branches et troncs que nous avons croisés, coincés au plafond de la cavité, indiquent une activité très forte lors des crues. Autant ne pas y penser, d’autant que nous ne sommes pas à la saison des pluies.
A droite de la perte, nous explorons et topotons une cavité siamoise qui rejoint cette première grotte.
Nous en sortons contents de nous et heureux de ne pas avoir eu à trop crapahuter.
Alors que nous rejoignons nos motos, nous croisons un chasseur. Nous lui montrons la grotte de laquelle nous sortons :
Tham Niaï ? (grande grotte?)
Bo mi ! (Non) Tham Niaï plus loin …
Ah bon ?
Nous le suivons sur un kilomètre, le long du massif. Il faut s’imaginer une montagne très abrupte, à la pierre corrodée par les pluies et la pourriture de la jungle, plantée au milieu d’un terrain très plat. Couverte de végétation, ses pentes sont quasiment à 60%.
Arrivés à une clairière, il nous indique un sentier sur la droite que nous suivons en direction de la paroi. Les branches cassées et les herbes couchées témoignent d’un passage humain ou animal.
Quand nous tombons sur un autel religieux de fortune et une volée d’escaliers qui escalade la paroi, nous restons interloqués. 140 marches plus haut, Clément se rafraichit au vent qui sort par l’ouverture de la grotte. Celle-ci fait 1,5m x 1,7m et nous est barrée par une grille cadenassée… Pourtant ça souffle fort, de l’air très froid et en continu.
Le cadenas en cochonium (un alliage sans doute chinois) nous fait de l’oeil, mais nous remarquons que l’on peut se faufiler entre la grille à droite et la paroi rocheuse. Un passage par dessus reste également possible.
Une fois dedans c’est le disneyland du spéléo :
des galeries de métro sur plusieurs niveaux ;
des échelles disposées par les locaux permettent d’atteindre des balcons perchés à des hauteurs que nous mesurons à 25m ;
des porches perchés envoie la lumière de l’extérieur à travers des colonnes de calcite immenses ;
des gours à sec de plus de 1,5m de profondeur nous obligent à des acrobaties ridicules pour les franchir ;
Le fait que nous y soyions rentrés « clandestinement » ajoute à l’excitation.
Nous topotons plus de 700 mètres sur 3 niveaux, sans chercher à faire durer le plaisir car il est temps de rentrer.
Nous nous arrêtons dans une salle très grande. Des gours actifs forment des piscines protéiformes et le plic ploc des gouttes tombant des stalagtites sonne l’heure du départ. Il faudra revenir !
Ravis et surexcités par nos découvertes, nous n’avons que faire du soleil qui est déjà couché. Un bref coup d’œil au GPS nous indique qu’il nous faudra sans doute plus d’une heure pour rentrer. Ceci est confirmé par un lao à qui je pose la question. Tant pis, nous accélérons.
Lampe de casque à fond et plein phares, nous dévalons la piste sableuse jusqu’à Kasi. Clément qui roule devant m’envoie de la poussière à tel point que je ne vois souvent rien. Le seul avantage c’est que de fait, je ne mange pas de moustiques. Et puis comme il fait nuit, je vois mal la route et donc j’ai curieusement moins peur de chuter.
Résultat, nous arrivons à Kasi en moins d’une heure, poussiéreux mais ravis de notre affaire.
Quelques gorgées de bière Lao et une douche plus tard, nous nous mettons au report de nos découvertes sur l’ordinateur.
J’y retournerai encore 3 fois dans ce secteur d’ici à la fin de l’expé, sans savoir que ces visites ne suffiront pas à tout explorer.
Nous rentrons avec plein de perspectives pour les futures expéditions.