En novembre 2018, une équipe de quatre explorateurs s’enfonce dans la vallée de la Nam Fuang au Laos avec un objectif bien particulier: faire la reconnaissance 2.0 de gouffres à l’aide d’un drone. Or si piloter un drone dans son jardin peut déjà représenter certains défis, nous nous lançons là un tout autre challenge à vouloir faire voler notre insecte électronique au sommet des massifs karstiques laotiens. La zone est reculée, escarpée, couverte par la jungle et les gouffres en question sont plus de 800m au dessus de la vallée. Même si notre drone optimisé pour l’occasion est capable de faire de tels vols, il est clair que nous perdrons en information si nous ne nous rapprochons pas des objectifs: vol à distance des objectifs, reduction du temps de vol effectif au dessus des objectifs. Nous voici donc en chemin pour un trajet qui va nous demander quatre jours aller-retour.

Après un accès semé d’embuches en cette fin de saison des pluies et une ascension rocambolesque, nous atteignons au troisième jour avant midi les bords du gouffre Go Phio, principal objectif de notre mission de repérage. Nous avons beau être les pieds dans le vide, la jungle déborde dans le gouffre et nous devons nous mettre à la recherche d’un point d’envol plus dégagé.

Au bord de Go Phio
Gouffre Go Phio: C’est au bord du gouffre qu’on voit le moins bien le gouffre…

En longeant la falaise, nous finissons par trouver une arrête qui après avoir fait tombé quelques arbustes nous offre un lieu de décollage possible. La végétation donne un sentiment de protection trompeur car elle remonte en fait le long de la paroi et nous enveloppe alors que nous ne sommes que calé sur une arrête étroite avec les 180m de vide du gouffre d’un côté et une belle descente de l’autre. Rien n’est plat, le décollage du drone se fera sur le dos d’un sac à dos et pour l’atterrissage…. on improvisera.

Plateforme de décollage à Go Phio
La zone dite “Aéroport” au pied de la lèvre de Go Phio

Le drone est dans les airs, la caméra tourne. Nous découvrons ce gouffre spectaculaire sur l’écran car la végétation continue de nous le cacher. Nous volons à l’aveugle et très vite il faut prendre nos repères dans ce paradis vert tropical entouré de falaises blanches et grises. Le premier objectif est d’estimer la profondeur, alors nous descendons… -20, -50, -70m, mais à -90m l’écran formé par les murs de calcaires fait que le drone perd le signal GPS et avec lui, la stabilisation qui facilite normalement le pilotage. Le drone dérive alors joyeusement dans les courants d’air et se rapproche dangereusement des parois et de la végétation. ce n’est pas facile dans un environnement q’on connait, mais là ça devient très complexe car tout se ressemble et les distances sont difficiles à appréhender. Le vol demande une grande concentration mais c’est le dernier des soucis des abeilles sauvages nous recouvre pour s’hydrater de notre sueur… que ce vol est long! Enfin on remonte. Le retour du drone se fait en se glissant dans une fenêtre végétale et on le capture à la main. Les vols sont délicats mais possibles donc nous enchainons les vols exploratoires dans et autour du premier gouffre. On confirme ainsi l’existence d’un gouffre secondaire juste en aval au nord: Go Phio 2.

Lors du quatrième vol on dirige le drone vers un point “Tham” noté sur une ancienne carte topographique. C’est loin mais s’est faisable: altitude similaire, peu de vent, pas d’obstacle… C’est notre jour de chance, on tente! Cinq minutes de vol en ligne droite nous permet de rejoindre la zone. Au premier abord, rien! Un piton rocheux s’élève sur la crête mais rien d’évident. On bascule la caméra, pivote le drone et au pied du piton, un gouffre se dessine dans la jungle: nous venons de poser les yeux sur sur Go Tham. On ne peut pas se permettre de se rapprocher plus alors on l’ausculte sous tous les angles et dans le coin de l’écran on distingue un porche au pied du piton. C’est prometteur.

Il est temps de quitter les lieux mais nous n’avons plus d’eau… au sommet d’un massif karstique, misère! De retour au camp de la bananeraie où nous avons dormi la veille, nous découvrons avec plaisir… et soulagement… que les bananiers que nous avons coupé la veille nous offre quelques litres d’eau baignée d’un vague parfum de banane. La descente du massif n’est pas encore achevée que la nuit nous tombe dessus. On finit tant bien que mal par atteindre le bas de la pente et trouver une petite rivière qui nous fournit l’eau nécessaire à notre survie. Notre LifeStraw est à l’action, la tête plongée dans la rivière, nous engloutissons les litres du précieux liquide qui nous a tant manquée depuis le sommet. Les sangsues en profitent pour nous tomber dessus pendant ce moment de faiblesse. Nous montons le camp, nous n’avons pas réussi à rejoindre l’endroit où nous avons laissé nos provisions avant l’ascension… on dormira le ventre vide. Le lendemain nous rejoignons Kasi.

Bananier, réserve d'eau
Bananier, réserve d’eau

Nous finissons par rentrer en France et nous pouvons enfin nous pencher sérieusement sur l’analyse des videos, les yeux brulants des promesses de futures explorations. Pour chacun des trois gouffres visités, nous extrayons des vidéos une collection d’images que nous passons à la moulinette de logiciels de photogrammétrie et de modélisation 3D, à vrai dire sans trop y croire car nous n’avions pas paramétré les vols pour cela (des videos plutôt que des images géoréférencée). Mais voilà, la magie de l’informatique opère encore une fois car nous finissons par obtenir des modélisations 3D fiables de chacun des trois gouffres. Ces modèles nous permettent d’en faire des mesures et une exploration virtuelle longue et attentive pour en préparer une exploration plus traditionnelle faite de cordes, de boue, d’efforts et de sueur… quoique ces images ne sont pas arrivées là sans ce doux mélange qui fait l’exploration.

GT1 modélisation 3D
Modélisation 3D du gouffre Go Tham

 

Matériel:

1 drone DJI Mavic Pro optimisé
1 kit pieds d’atterrissage
4 protections de moteur
2 paires d’hélices supplémentaires.

1 radiocommande (RC)
1 protection RC

1 tablette Samsung Tab S2 8″
2 câbles RC/écran MicroUSB (M)-MicroUSB (M)
1 support tablette pour RC
1 pare-soleil
1 sac de transport

8 batteries
8 protections pour connecteur de batterie
1 chargeur de batteries
1 station de charge pour 4 batteries
1 câble alimentation pour chargeur
1 chargeur USB 3-ports
2 cable USB (M)-MicroUSB (M)
1 adaptateur international
1 adaptateur pour batterie externe
1 rallonge électrique
1 multiprise

4,7 kg d’équipement qu’il faut porter en plus du reste.

 

Matos drone
Matériel utilisé pour la prospection