Les premières lueurs, depuis les rives de la rivière souterraine nous apercevons enfin la lumière tamisée du sous-bois. Cela fait 8h que nous explorons le cours d’eau parcourant la grotte. Le retour au jour se fait dans le silence. Épuisés nos voix se sont tues depuis bientôt une demi-heure. La vue de la canopée est une délivrance. Une vague de fraîcheur humide nous arrive tandis que nous escaladons vers le proche, un orage a éclaté pendant notre séjour sous terre. Anomalie statistique en saison sèche. C’est la merde… Guillaume a laissé toutes ses affaires dans une clairière sans protection, son couchage doit être trempé. Les blasphèmes contre les dieux de la météo fusent. Toute la forêt ruisselle, un brouillard humide a envahi l’atmosphère, nous ne pouvons voir à plus de 300 mètres, les reliefs environnants s’effacent dans le lointain. L’ambiance est bien différente de la veille, 35°C, sécheresse et nuage de poussière sur les pistes forestières. Au moment où nous nous engageons dans la jungle en direction de notre campement, une grosse branche s’abat à côté de nous avec fracas. Nous regards se tournent vers les frondaisons luxuriantes de l’arbre incriminé. Des ombres furtives dansent de branche en branche remuant le feuillage. Nous avons troublé une famille de macaques venus se planquer dans ce coin tranquille de la vallée. Nous observons ébahis leur corps virevolter dans le ramage des tecks géants. Préférant la tangente verte au danger de l’Homme, il est rare de voir ici des primates autrement que dans les besaces des chasseurs Hmong.
Le Laos est plein de bonnes surprises, de retour à notre bivouac nous constatons qu’un heureux inconnu pressentant la rincée à couvert les affaires de guillaume avec une bâche laissé nonchalamment à proximité du campement. Le désastre est évité. Seul le pied de son duvet à été touché par l’averse. Nous démarrons un feu pour faire sécher ce qui peut l’être et nous nous couchons dans la foulée abrités dans un carbet, simple toit de bambou construit par les gars du cru. Il est 23h30 lorsque la foudre nous réveille en sursaut. Une série de quatre claquements secs se fait entendre, une lumière stroboscopique éclaire le ciel de mille feux. Un grondement sourd et puissant descend du haut de la vallée, le front de la cellule orageuse n’est qu’à quelques encablures de nous. “Une onde tropicale nous arrive droit dessus”. En moins de temps qu’il faut pour le dire, le mur de pluie nous transperce. Il pleut à l’horizontal, le vent hurle changeant constamment de sens. Pris par surprise sous notre maigre abri qui n’a plus d’abri que le nom, nous nous enroulons dans les deux bâches qui nous servaient de tapis de sol, agrippons le peu d’a2aires autour de nous qui ne se sont pas encore faite aspirer par le vent et tentons tant bien que mal de nous protéger des murs d’eau qui nous arrivent dessus. Déluge absolu, lorsque je soulève un bout du tissu de plastique qui m’entoure, les Tashs me renvoient des images d’enfer ; les bananiers qui nous entourent plient comme de simples brins d’herbe sous les bourrasques, la piste forestière se transforme en lac, les arbres tombent. “Ce n’est qu’un mauvais moment à passer”. Plus personne ne parle, nous attendons l’accalmie, la nuit sera longue…