Ilian, Lény et moi-même partons vers la perte de Tham Pha Ka (ຖ້ຳຜາກ້າ). Ce n’est vraiment pas à côté, on ne sait pas dans quel l’état est la piste et s’il y a bien une piste au delà de la résurgence, on ne sait pas si on va trouver des chemins de chasseurs praticable ou de la jungle impénétrable… bref on ne part pas vraiment avec la fleur au fusil, on est même plutôt assez stressés…
On part de chez Tao où nous avons dormi et on prend la route vers 7h30 en direction de Ban Housytangnai. Avant le village, on s’engage sur la nouvelle piste de la mine repérée quelques semaines plus tôt sur de dernières images satellite. La piste représente une belle opportunité car elle à l’air de monter tranquillement vers la crête contrairement à celle de la vallée suivante que nous avions emprunté en 2019. On s’engage, passe le check point, et 100m plus un 4×4 vient vers nous. On me fait des appels de phares, je m’arrête. Au volant, un ingénieur de la mine me demande en anglais où nous allons: “Tham Pha Ka!” . Il cogite un moment et me demande si c’était nous qui étions là l’an dernier… C’est probablement “James” que Marina et Guyom ont croisé l’année précédente: “Oui!” Il cogite à nouveau… “OK, be careful and drive slowly!”. C’est tout bon, on n’en demande pas plus, on s’engage sur la nouvelle piste…
Un billard en pente douce, vraiment rien à voir avec l’ancienne piste! On arrive devant la résurgence de Tham Pha Ka sans problème, c’est presque trop facile. On passe le pont de la Nam Fuang et on entre en territoire inconnu: personne n’est encore aller voir ce qu’il y a par là. D’ailleurs quelques centaines de mètres après le pont on passe une petite rivière en eau qui vient de la falaise… c’est noté, on se garde cette info pour plus tard. Là encore la piste est bonne et on vire vers le Nord pour monter sur la crête qui domine la partie Sud de la vallée centrale. A notre surprise, la piste passe bien plus bas que le tracé qu’on avait récupérer des images satellites. On arrive à un col d’où part deux pistes vers le bas qui seront probablement utiles pour aller prospecter l’épaule sud-ouest du massif karstique. In nouveau check point vide et on bascule sur le flanc de la vallée nord. La piste descend lentement vers le point qu’on pensait atteindre en moto dans le meilleur des mondes et avec difficultés. Pourtant la piste se déroule devant nous et continue vers le nord et doit probablement rejoindre un secteur proche du verrou central. Mais nous atteignons le point où nous devons descendre dans un vallon pour rejoindre la Nam Fuang. Là encore, une piste forestière descend dans le vallon. On s’y engage, c’est raide mais ça passe et cela nous fait encore gagner un bon morceau de chemin. La piste s’arrête finalement après des baraquements abandonnées et un camion enlisé là depuis une éternité. On n’espérait pas vraiment arriver aussi loin avec les motos… on ressemble à des fantômes de poussière (enfin surtout Lény et Ilian qui roulait derrière moi…) mais on a le sourire.
On s’engage à pied dans le talweg sec: la végétation est dégagée, il y a des traces de pas de chasseurs, c’est une autoroute. On bascule dans un second vallon où coule une rivière. Puis on s’engage dans la pente en montant tout droit vers le point du porche que l’on doit prospecter. Après avoir atteind le pied d’une falaise et tâtonné un peu le long de celle-ci, on finit par découvrir un beau porche très prometteur. Au fond, des concrétions, un passage, une grande salle, ça raisonne! Bingo! On vient de trouver Tham Thom, repérée seulement 3 semaines auparavant en (ré-)épluchant les images satellite du secteur.
On passe la fin de journée à l’explorer et on commence la topo. La grotte est grande et mérite qu’on y passe un peu de temps. On décide donc de monter un camp dans la grotte et d’y consacrer la journée du lendemain.
Le troisième jour, nous quittons Tham Thom au petit matin avec 750m de topo en poche. Nous prenons la direction de la perte de Tham Pha Ka. On atteint rapidement la Nam Fuang puis nous descendons dans le lit de la rivière avant de récupérer un chemin de chasseur qui descend la vallée en parallèle de la rivière mais une bonne centaine de mètre plus à l’ouest. On finit par arrivé au droit de la perte. On ne la voit pas mais on l’attend… On rejoint la perte, la Nam Fuang s’engouffre sous un chaos de blocs et de troncs d’arbre dans une belle galerie… belle mais inondée. C’est peut être la première vraie difficulté depuis le début de cette mission. La galerie est un grande tube régulier qui tourne sur la droite au bout de peut-être 100m… au-delà qui sait? On fait une pause déjeuner au bord de la rivière on attaquera l’exploration après.
Je pars en nageant, attaché à une corde de 50m, il n’y a pas de courant. Ilian et Lény me rejoigne et au deuxième relais on atteint un banc d’argile puis après une dernière nage la galerie principale… immense! Vers le nord un fossile: immense! Vers le sud, la galerie active: immense! On se promène un peu dans le fossile pour en évaluer le potentiel… c’est… immense. Mais l’objectif étant d’avancer vers le sud pour faire la jonction avec la partie du réseau que nous connaissons déjà, nous descendons l’actif. On tombe rapidement sur un chaos immense qui rempli la galerie sur presque toute sa hauteur, peut être 60m. La Nam Fuang part dans une galerie plus modeste vers l’est qui semble praticable mais ralentit notre progression. On fait le pari de monter le chaos en espérant rejoindre l’actif plus loin. Nous arrivons dans une salle très haute qui semble être le fontis ayant causé le bazard minéral qui se déroule sous nos pieds. De l’autre côté de la salle est gardé par une grosse colonne qui nous ouvre le chemin vers la grande galerie principale dans laquelle nous retrouvons l’actif. La galerie est toujours énorme et déroule vers le sud. On fatigue, on a bien bosser (950m de topo), on s’est bien fait plaisir: il est temps de ressortir surtout qu’on a une petite nage dans l’eau fraîche qui nous attends avant la sortie dans la jungle et de nuit.
Après une nuit très courte à la belle étoile sur les rives de la Nam Fuang, nous reprenons le chemin de Kasi que nous atteindrons en fin de journée… Si on m’avait dit que ça se passerait comme ça, je n’y aurais pas cru car ça ne se passe jamais comme ça… sauf peut être cette fois là.