Un jour, on a commencé par faire les biefs boussets, c’était en décembre 2015, mon 5ème week-end de spéléo, et l’objectif était d’aller le plus loin possible dans le collecteur du Verneau. Dans notre souvenir, nous étions allé jusqu’au siphon des patafouins. C’est là que j’ai entendu parlé pour la première fois de cette fameuse traversée du Verneau. Comme une sortie super mythique qu’ils n’avaient jamais réussi à faire au club, du fait de la météo touchy et les risques de crues foudroyantes, et mortelles. Ainsi que la flippante apnée à faire pour passer le siphon, pas obligatoire, mais faisant gagner un temps précieux.
C’était l’époque où on cherchait un peu des idées de photos de calendrier.
Le temps de prendre un peu de plomb dans la cervelle, pas plus dans l’aile. 2017. Cette année sera la bonne, on se prépare. Une reconnaissance de la grotte Baudin cet hiver jusqu’au tripode où Francois avait pris de supers photos de la salle Belauce et de l’actif.
Je demande l’autorisation de traversée en avril, puis j’imprime les topos du bouquin de Guillaume, le Verneau souterrain (Y. Aucant- C. Shmitt – J.P. Urlacher), dessine le trajet au fluo, les plastifie, lis et relis les descriptifs, et surveille la météo avec obsession. Habituellement, je regarde sur le site météociel.fr (Deservillers) où le modèle de prévisions (WRF-NMM) sont assez précis et fiables et l’on peut visualiser l’accumulation des précipitations. Nous avons aussi consulté les prévisions sur http://www.meteo60.fr/previsions-meteo-agricole-nans-sous-sainte-anne.html
Une première fois en mai, un créneau météo apparait, mais trouver deux jours avant des spéléos disponibles et de confiance pour constituer une équipe d’au minimum 4 pouvant poser une journée pour faire cette sortie sur plusieurs jours… pas évident. C’était l’occaz d’élargir les cercles de connaissances. Mais c’est long…
Puis l’occasion c’est représentée. On devait faire une sortie à la cool sur un week-end avant le stage perf dans le doubs de Bab et Steffi. Biefs-Boussets par exemple 😀
Le temps était sec ces derniers temps, alerte canicule… Le week-end arrive, et le temps une semaine avant est toujours sec jusqu’au week-end. On commence à imaginer de faire plus que Biefs. En me renseignant j’apprends que les cordes d’équipement de Baudin ont été changées depuis notre passage en février, et que les équipements entre la salle Machin et le collecteur du côté biefs sont aussi quasi neuf. On s’assurera quand même nos arrières pour éviter d’être coincés au 3/4 de la traversée. Steffi et Ludo côté grotte Baudin dans l’équipe bis vont checker les cordes du puits du ballot et du légionnaire. Ludo avait fait la reconnaissance de février. Bhv, Mark, Bond’accord et Kafka partiront pour la traversée descendante le même jour. Déséquipement le lendemain. Seulement la veille, des orages commençaient à pointer leur nez sur les prévisions météo… J’étais prête à tout annuler. Mais je contacte le spéléo secours du Doubs, et on me rassure, le niveau est exceptionnellement bas en ce moment, les précipitations prévues sont très faibles et en début de soirée. Le sol est très sec, ce qui devrait tamponner l’infiltration. On devrait pouvoir y aller sans trop s’inquiéter, en partant tôt et en restant sur un timing raisonnable, sans faute d’orientation. Pas le droit à l’erreur par contre, la météo se dégradant plus sérieusement le dimanche après midi. Bien entendu, sous réserve de vérifier la météo encore avant de partir le matin, être sûr qu’il n’y a pas aggravation de ces prédictions. On me conseille l’application WeatherPRO. Je constate qu’elle dit quasi les mêmes choses que météociel. Par contre on peut dire que météo France ne se mouille pas avec 50% de chance d’orage et pas de précision sur la hauteur des précipitations (une chance sur deux ? sans blague, on a besoin de modèle stat pour dire ca?)
Donc impatiente, je prend un rtt vendredi, j’enkite les Biefs-Bousset à Bagneux, je me répète 20 fois tous le matos à ne pas oublier. 20H, je récupère les autres à la sortie du taff à porte d’Orléans. Les quatorzièmistes cataphiles excités dans la bagnole n’ont pas beaucoup dormi, on arrive au gîte du Lison à 1h du mat passé. Repas improvisé. Ronflements tonitruants. Réveil à 6h30. Plus on entrera tôt, plus on sera loin des gouttes du samedi soir et des éventuels orages du dimanche. 7h, Techniques de la spéléologie alpine de Marbach, chapitre H-2, on frôle de justesse une méforme pré-cavernale. Serons-nous 4? 3? non, c’est bon, le 4ème se lève. Café serré, tartines, plat de pâtes, Biefs-boussets. On croise Guy Decreuse et un autre spéléo doubiste du GCPM qui s’apprêtent à se faire une sortie photo sur la journée à la grotte Baudin, et nous parle des fameuses photos de notre François de février. (http://speleo-gcpm.fr/tiens-voila-du-baudin/) La méteo n’a pas empirée, elle a même diminué les précipitations cumulées pour la journée. Il reste malgré tout une alerte jaune de risque d’orage et de canicule.
Entrée 8h30… hum. Le stress se dissipe, avec la fraicheur de la grotte. J’équipe les puits, 1h plus tard on arrive à la partie supérieure du méandre. Je râle un peu sur l’obstacle. Je me rappelais bien la dernière fois, j’avais fait porter mon kit aux gars. Cette fois je me démerde, faut pas exagérer. Une fois le méandre passé je me dis, que le plus dur est derrière, huhuhu. On enchaine sur les chatières laminoir. A la salle Machin j’enfile ma veste de combi. Je n’ai pas pris de combi sous combi de spéléo classique comme les autres, mais un shorty de windsurf 2mm, avec dessous un collant de cycliste, ce qui m’a permis d’alterner entre le kway et la veste néop en haut sans me changer intégralement. Les autres décident de rester comme ça pour l’instant. On passe les galeries basses aquatiques.
12h on rejoint le collecteur du Verneau. La galerie déroule bien. On arrive au passage Voute basse et passage supérieur, je nage en dessous, longée à une corde au plafond, Mark me suis, les autres passent au-dessus.
13h on arrive au siphon des Patafouins. On m’a conseillé de ne pas l’emprunter. On s’approche pour voir à quoi ca ressemble, l’eau se trouble direct. On m’a dit, pour vraiment gagner du temps, il faudrait savoir le prendre, et que tout le monde passe sans hésiter. Bref, personne n’hésite. On prend l’escalade des Dentelles. Corde à noeuds engluée sur la gauche, remontée en rampant sur de la glaise, et remontée de puits de la jonction p35, oups je n’ai pas pris mon bloqueur de pied. Puis redescente d’une serie de ressauts.
14h, on jette un oeil de l’autre coté du siphon des patafouins… le niveau est bas, il ne devait pas être long. Sans regret, aucun. le tube en “U” est un passage en pente douce boueuse, plutôt en forme de “V” ou l’on passe à 4 pattes, dans une flaque d’eau peu profonde, au creux du “V”. C’est ici un point critique qui n’est plus possible de franchir en cas de crue. La traversée est engagée. On ne fera plus demi-tour. Normalement. Salle du Ptit Loup, salle du Gnome, on arrive sur des grands volumes, certains évoquent des souvenirs du Berger, d’autres de la PSM. Ici on s’arrête un temps pour manger un peu. Salade de pâtes, barres céréales. Et les autres enfilent leur néoprène. Je me refroidis assez vite. Magnifique idée, je sors la super bougie que m’a filé Clément. Je suis quand même contente quand on repart.
15H30 On se réchauffe rapidement dans la trémie avec une petite escalade, et une désescalade qui nous fait légèrement hésiter, mais non, il y a des scotchlight et des cairns partout, on est sur la bonne voie. Une corde équipée en fixe nous permet de descendre le dôme d’un immense effondrement ancien pour rejoindre l’actif.
16h, Cette fois on est dans ce qui ressemble à un canyon. La partie aquatique commence. Des marmites ou de larges bassins. Parfois on passe en marchant, de l’eau jusqu’au cou, parfois on doit nager quelques brasses, le sac sur le dos, de peur qu’il se remplisse d’eau et m’emporte Ayant opté pour des sacs de bateau étanche et des sacs poubelles pour etre plus à l’aise dans les étroitures plus un petit bidon de 500gr. Je conseille de prendre un vrai bidon de 3L pour etre plus à l’aise dans l’eau, le kit n’a pas coulé, mais je n’ai pas osée me reposer dessus. Les sacs poubelles ont malgré tout fonctionné, j’ai réussi à faire traverser le Verneau au sec à un rouleau de PQ et des chaussettes de kilt en laine.
Au moins j’avais les mains libre. De mémoire, il y avait 4 tronçons où je n’ai pas eu pied de mon mètre 62. Arrêt, je grelotte. Nager, ca réchauffe. On est bien.
17h00, Bhv et Bond’accord s’engagent dans l’affluent des égouts. On les regarde se crotter dans la mousse verte et revenir.
Quelques petites cordes équipées en fixe, notamment le puits du vieux fou, je crois, où on atterrit direct dans de l’eau profonde. Du coup on préfère défaire le descendeur sur un rebord 1m avant de sauter dans l’eau. Surprise le poids de nos attirails nous fait couler la tête dans l’eau. Ca surprend. Mais on remonte à la surface instantanément. Des petites grenouilles nous regardent passer. Elles semblent piégées. Un peu au ralenti. Molasses
Les bassins sont de plus en plus imposants. Par endroit l’eau pleut du ciel. Petite pensée pour la surface. On trace.
19h On arrive à la Corniche, passage de vire équipée en fixe. Il ne reste que le bassin merdique en aquatique. Trempette. On comprend qu’on est bien là. Le sol du bassin est recouvert d’une profonde couche de boue molle. On ne sait pas vraiment si on marche ou si on nage. On dirait plutot qu’on plante vaguement les jambes dans un truc mou pour avancer dans l’eau. Après ca, on rejoint de grandes salles. Un petit coup de puissante lumière pour voir des sortes de fontis immenses, rappelant la salle Belauce. le bon gros et petit raciste.
On récupère un environnement familier. On rejoint la zone qu’on avait atteinte en février, c’est rassurant. On n’a pas perdu de temps en se paumant. De plus, le niveau d’eau est plus bas que ce qu’on avait vu en hiver. souuuufle… Le puits du légionnaire avec une corde neuve rose, la galerie des plaquettes, et le puits du Ballot, aucun problème. On voit même des ptits bouts de corde en plus qui n’étaient pas là en février. Appréciable.
Passage de la galerie des aiguilles, on s’attendait à faire un dernier plouf. En février remplit d’eau jusqu’au cou, avec quelques mètres à nager, en se tenant à une corde au ciel. Et là ? plus rien, pas d’eau, que de la boue nutella. Marrant 🙂
Dans la salle des momies, j’enlève la veste néop remet mon kway, et un pull polaire sec. Mark se remet en comb + sous comb spéléo. Les autres restent en néop complète jusqu’au bout.
21h30 La plage. Quelle surprise de retrouver nos deux cataphiles de l’équipe bis qui squattent sous un point chaud. On échange un peu. T’es rentré par où ? t’as pas des tracts ? c’est quoi ton pseudo ? Et se redivise rapidement en 2 groupes. J’ai réussi à me retremper dans une petite cascade et les pauses me pompent de l’énergie en grelottant. Bhv reste avec Steffi et Bab, pour une pause. Bond’accord et Mark repartent avec moi pour sortir as soon as possible. Faut quand même pas zapper qu’il doit pleuvoir 3 gouttes dehors. Puis on a un peu hâte de trouver nos lits. Galerie des blocs, Christian Devaux, l’oreille, Fournier, puis re l’actif dans les dernières marmites avant la vire en acier. Le rythme se ralentit un peu, petit à petit, puis exponentiellement quand on s’engage dans le boyau du GSD. On est comme des limaces. Les chatières de la fin, on se traine littéralement. Sans dignité. Je passe en tête pour chercher la bouffée de chaleur de la sortie. AHhhhhhhhhh ! 00h17.
Un male de chouette hulotte hulule à côté, je surprends un chevreuil endormi et 2 yeux orange me guettent sur le chemin. Un renard ?
Quelques gouttes de pluie commencent à tomber. Le vent souffle par bourrasque. Un arbre craque. On file au gîte. Le tonnerre commence à gronder au loin. Mauvaise surprise j’ai oublié toutes mes fringues de rechange dans la voiture, parking des biefs… hum
Le deuxième groupe sort 2h plus tard, et nous rejoint au gite vers 3h après des pauses clopes. Après, je m’endors comme une pierre. Une nuit sans rêve.
Le lendemain on se reveille tôt, sans réveil. Tant mieux, on ne va pas attendre trop que les Biefs se remplissent d’eau. Après le petit dej’ on m’accompagne aux biefs pour que je m’habille. Une bière pour enlever les courbatures et fêter ca. Bond’accord retourne m’accompagner au trou pour qu’on déséquipe, en 1h c’est réglé.
Désolée j’ai perdu ma pédale dans le collecteur…
Au final, il est tombé 2,6mm de pluie en cumulé le samedi en soirée. Et 9,6mm le dimanche sur la journée. Pendant ce temps là à Paris, c’est ambiance crue, dimanche il est tombé 67.7mm dans la journée, et le périf est fermé à minuit quand on rentre.