Les courses au marché nous ont permis de trouver enfin des hamacs, car Gaël et François n’en ont pas, ainsi qu’une machette qui pourrait s’avérer utile. Le tuk-tuk trouvé au marché nous dépose au bord de la RN13 dans un village qui doit être Phou Kitao. Là, direction Sud vers Ban Nampin, en traversant des vergers. Nous croisons des femmes qui transportent des citrons dans des hottes en bambou. Ca sent bon les agrumes. Il fait chaud et ça monte dur ! Plus loin, ce sont une demi-douzaine d’hommes, chargés de l’entretien du verger, qui surveillent le feu de bambous qu’ils viennent d’allumer. Après encore une heure d’ascension, nous faisons la pause déjeuner en plein milieu du chemin, attentifs à tous les bruits de la jungle. Après le repas, poursuivant notre montée, nous arrivons dans une clairière où subsistent quelques cases en bambous sur pilotis, sans doute ce qui reste du village de Ban Nampin. Une partie déboisée voit fleurir ce qui ressemble à du colza d’une part, et ce qui est du pavot d’autre part. Nous nous demandions si c’était l’époque de floraison du pavot et nous en avons maintenant la confirmation sous les yeux. Bien après le village, nous croisons toute une famille Hmong chargée de provisions, fruits, légumes, branches de coriandre très parfumées. Nous finissons par arriver à l’orée d’une vaste clairière où tous les arbres coupés jonchent le sol, dans un fouillis de branches et de feuilles. Comme nous ne retrouvons pas clairement le sentier au milieu de ce chablis, nous préférons rebrousser chemin jusqu’à la bifurcation précédente et suivre l’autre sentier qui nous mènera peut être jusqu’au lit de la Nam Xang Nua. Ce sont 2 sentiers que nous empruntons successivement, coupant même à travers la jungle avec l’aide du coupe-coupe acheté ce matin pour 18000 kips (2.7 euros) au marché de Vang Vieng. Nous traversons d’autres zones déboisées et il faut marcher sur la végétation tombée à terre sans toujours voir ce qu’il y a entre nos pieds et le sol. Cette progression lente et fastidieuse, sous un soleil de plomb a bientôt raison de notre volonté et après une ultime tentative infructueuse dans la première zone déboisée, nous nous résignons à rebrousser chemin. Le retour se fait à bon rythme, chacun allant à sa convenance. Yann et Gaël sont devant, Gabriel et François derrière. Nous nous retrouvons au gré des pauses que nous nous accordons. C’est au détour d’un chemin en arrivant dans la vallée, là où commencent les vergers lorsqu’on descend de la montagne (600 m de dénivelé en tout) que, Gabriel et François retrouvent leurs deux compagnons, encadrés par 4 hommes armés, l’un d’un AK-47 et les autres de fusils militaires. Nous sommes ainsi escortés jusqu’au village, sans autre explication, et on nous fait comprendre de poser nos sacs et d’attendre on ne sait quoi. Jusque là tout va bien, ce ne sont pas des rebelles, sinon nous aurions été emmenés dans la montagne, et le fait de nous être rapprochés de la route est un point positif. Y aurait-il un rapport avec le fait que, repassant par Ban Nampin et ses têtes de pavot, nous avons remarqué qu’elles étaient fraîchement incisées, c’est-à-dire depuis notre passage du matin… ? Bref, nous attendons de savoir à quelle sauce nous allons être mangés, à défaut de savoir pourquoi. Nous sommes vite l’attraction du village, hommes, femmes et enfants s’attroupent autour de nous sans animosité, avec autant de curiosité que d’amusement. Il faut dire que nous intriguons beaucoup avec nos gros sacs bien lourds, le dictionnaire anglais-lao qui nous fait prendre pour des américains, ainsi que les grosses chaussures que Yann et François portent, alors que les « militaires » qui nous ont cueillis sont en tong, l’un avec une chemise kaki et un short de foot aux couleurs d’une équipe allemande, l’autre en T-shirt blanc et pantalon kaki. C’est ensuite un défilé de toutes les personnes qui baragouinent quelques mots d’anglais et posent toujours les mêmes questions : pourquoi sommes-nous allés à Ban Nampin, qui avons-nous vu ?Nous expliquons que nous voulions traverser la montagne pour redescendre vers Tham Hoï. On nous assure que tout va bien, mais cela ne change rien à la situation car l’heure tourne et il n’y a plus aucun tuk-tuk pour nous ramener. En effet, la circulation cesse pratiquement dès que la nuit arrive. Après de longues discussions, Gabriel réussit finalement à négocier un retour à la ville en pick-up au prix de 20000 kips (3 euros) par personne dans la voiture d’un des villageois. Trop heureux de pouvoir partir, nous acceptons aussitôt et traversons la route pour rejoindre le luxueux 4×4. C’est à ce moment, que dans la foule qui nous entoure, quelqu’un propose un sachet d’herbe à Yann qui s’empresse de le refuser. C’est qu’ils ont le sens du commerce et de l’humour dans ce village ! Nous mettons nos sacs à l’arrière du pick-up et montons dans la cabine, escortés de cinq autres personnes sur le plateau, dont toujours le même avec son AK-47. Notre arrivée à Vang Vieng est discrète, mais nous sommes suivis dans la rue par deux de nos accompagnateurs qui s’empressent d’aller questionner le propriétaire de la guest house dès que nous y sommes arrivés.

Phuan Falang Gang – Laos – Rapport de l’expédition 2002 Page 11Que d’émotions pour la journée ! Nous avons mis les pieds là où il ne fallait pas. Qu’importe, pour retourner à notre gouffre, ne serait-ce que pour récupérer nos équipements individuels, nous remonterons sur le plateau par Tham Hoï comme lundi dernier.